Récemment, un blogueur m'a laissée ce commentaire « N'oublie pas, le désespoir est une forme supérieure de la critique. Ces idées noires témoignent de ta raison. Tu te dois de vivre pour les porter hautes et fières ! » ... Je pense que cette personne a voulu me déculpabiliser et me donner une «raison» de vivre malgré ces pensées négatives. Et pour cela, je l’en remercie.
Cependant, j’ai beaucoup réfléchi à ce que cette remarque impliquait et je m’aperçois que je ne considère pas du tout le désespoir comme une forme supérieure de la critique. Pour reprendre les mots d’Albert Camus dans le mythe de Sisyphe, oui je pense que le sentiment dépressif témoigne d'un «mouvement de la conscience»: si l’homme était incapable d’éprouver quelque chose comme le désespoir ou encore la lassitude, il vivrait machinalement sans réfléchir au sens de la vie et de ses actes. On pourrait presque alors apparenter l’homme à un robot (je dis bien presque!). En effet, je crois que le désespoir face à cette vie qui nous apparaît parfois absurde, est dans un sens, l’expression de l’usage de la raison parce que cela signifie que nous pensons, que nous nous interrogeons sur l’intérêt, l’utilité, ou encore le sens de la vie.
En revanche, je ne vois pas en quoi l’homme qui refuse de dépasser ce sentiment de désespoir est nécessairement supérieur à l’homme qui sort de cet état dépressif: si on assimile le désespoir à une forme supérieure de la critique, cela sous-tend qu’il a raison de penser ainsi. Or, si le désespoir témoigne du «mouvement de la conscience», je ne vois pas pourquoi le rétablissement et le sentiment de joie de vivre, que l’homme anciennement dépressif peut retrouver par la suite, serait nécessairement un mauvais jugement, une bassesse, relativement à "l'homme désespéré", et ne résulterait pas également de l'usage de la raison. Réussir à aimer la vie après l’avoir tant détestée, montre, notamment dans le cas où l’homme sort de sa dépression non pas parce que le temps passe mais grâce à des raisons profondes, que la joie n’est pas forcément synonyme de naïveté ou d’un manque de réflexion mais provient parfois d'un long cheminement argumentatif.
D’ailleurs, j'ai beaucoup de respect pour ces personnes qui ont la capacité d’invoquer des arguments solides en faveur de la vie. Je ne dis pas que chaque argument qu’elles proposent est valide, évidemment que non! Mais je suis admirative car, plutôt que de se lamenter sur leur sort en légitimant leur tristesse par divers arguments, elles choisissent de construire un socle solide sur lequel repose leur désir de vivre, j’entends par là une sorte de «philosophie du bonheur» pour être heureux (et être heureux ne signifie pas nécessairement qu'on ne regarde pas la réalité en face contrairement à ce qu'on pense bien souvent..). Ces dernières années, j’en ai été incapable, alors oui, je considère ces gens courageux de choisir cette voie et c’est pourquoi je ne peux pas accepter la prétendue supériorité du sentiment de désespoir. Le bonheur, tout comme la tristesse ou la lassitude, peuvent résulter d’une activité de la raison, être issus d’une profonde réflexion. Croire que le bonheur est le résultat de l’ignorance et de la passivité humaine est un préjugé qui oublie ces personnes dont la joie de vivre est en définitive le succès de l’usage de la raison.
Peintures de Yue Minjun
Pour moi le chose est plus matérielle : je ne comprends le suicide que si l'on se sait condamné et que l'on souffre trop : l'euthanasie.
Sinon, c'est d'abord risquer gros car on se rate souvent et on peut rester alors estropié ou légume à vie : pas drôle : je ne courrais pas ce risque.
Ensuite c'est ennuyeux de ne pas avoir la liberté de regretter son geste et de revenir en arrière.D'autant plus qu'on va se tuer au moment où l'on a le plus d'espoir. En effet, pour avoir cette pensée c'est qu'on est au plus bas et donc tout ne peut que s'améliorer. Et puis cela ne me plaît pas de donner mon corps en pâture aux asticots et autres insectes macrophages!