Photographe: Sophie Calle
Faire ses adieux à notre enfant intérieur, c’est peut-être finalement faire le deuil de notre espoir. J’entends ces adieux comme la fin d'une valse à trois temps, qui vogue entre le souvenir de la première cigarette, l’angoisse de la solitude de l’être-là, et dont la dernière note se perd dans le chaos d’un avenir proche mais incertain. Lorsque mes doigts s’emmêlaient sur le clavier, mon professeur de piano me disait que j’avais fait un «canard». Je le revois amusé par une telle appellation, par cette drôle d’idée d’assimiler cet animal et certainement son cri à une fausse note. Malheureusement le piano ne sonne plus aujourd'hui, les canards ont fugué; ils ont déserté les touches de mon clavier, et viennent cancaner ailleurs, sur ma voie: le long de mon chemin, ils sont là, la gueule ouverte, ils viennent prendre la dernière note de la valse à trois temps. La note de l’espoir.