Alain Bashung
"Des atomes, fais ce que tu veux."
"Des atomes, fais ce que tu veux."
Le train. La petite place sur la droite, la même qu’hier et que toutes les autres fois. Je m’assois. Je ne peux pas lire aujourd’hui. Encore une fois. Je fais défiler les pages entre mes doigts ouverts. Pour le plaisir du toucher. Du contact avec elles. Mais je ne peux les lire. Ces livres sans lecteur ne vivent pas; ils sont tout au plus des foetus qui errent « sans souffle et sans lumière ». Dans l’autre monde, ils attendent un lecteur pour naître. Un Socrate.
La maïeutique des livres, je ne connais plus depuis longtemps. Aucune note, aucune rature. Où sont les coins de pages cornés, les tâches de café et le papier jauni? Où sont les feuilles déchirées et ces gouttelettes d’eau que déposaient parfois mes larmes sur le papier lorsque les mots percutaient de plein fouet mon esprit? Mes livres n’ont pas d’existence. Pourtant, je crève d’envie qu’ils viennent au monde, que s’entrechoquent leurs paroles avec les miennes. Les livres; J’en ai tant achetés et tant laissés sur le bord de la route! Au bord du quai. Pourquoi? Simplement, pourquoi?
Souvenir de gosse. Aujourd'hui, je lis des "poches" dans le métro; e contenu est intéressant, mais le livre immonde sans vie.